Destins exceptionnels : Éric Nessler
- Michel Leclerc
- 14 mai
- 5 min de lecture
"Destins exceptionnels" est une série d'articles dressant le portrait de figures de l'aviation ayant marqué la grande histoire de l'aviation.

Éric Nessler fut le plus grand pilote de planeurs français du XXème siècle et un grand compétiteur au niveau international. Il fut aussi un grand concepteur et pilote d’essais. Ses qualités de pilotage lui ont permis de tester de nombreux appareils, de conception parfois osée. Nessler a permis à la France d’avoir certains des meilleurs planeurs des années 1950 et 1960.
Né en 1898, à Lunéville, en Lorraine, il suit son père, officier supérieur, dans les premiers meetings aériens, grâce auxquels il se passionna pour l’aviation.
Il se lança dès l’age de 16 ans dans la conception aéronautique. Mais, c’est à 18 ans, en 1916, qu'il fit voler ses premiers planeurs.
A l’époque, les planeurs permettaient de « planer » comme leur nom l’indique, mais ils n'offraient absolument pas la certitude de se maintenir en l’air et, encore moins, de voler pendant des heures. Il imagine au cours de sa jeunesse des machines volantes installées sur... sa bicyclette !

Mais c'est au cours des heures sombres de la Grande guerre qu'Éric Nessler passe du rêve à la réalité, en devant pilote sur SPAD. Il sera blessé au-dessus de Verdun.
Dans les années 1920, il participa aux tous premiers concours de vol à voile en France, à Combegrasse (Puy de Dôme) en 1922 et à Vauville (Manche) en 1924 et 1925. Il volait toujours sur des planeurs de sa conception.
C’est à partir de l’expérience acquise par l’aviation dans le domaine de la météorologie et de l’aérologie, que l’on a compris qu’il était possible d’utiliser différents types de courants ascendants, pour se maintenir en l’air sans moteur et pour voler à la manière des rapaces.
Éric Nessler fut un précurseur dans l’utilisation de ces ascendances d’origines thermiques ou dynamiques. Les ascendances thermiques sont des colonnes d’air qui, chauffées par le sol, remontent en formant des courants se comportant comme un ascenseur naturel. Les planeurs peuvent tournoyer dans ces colonnes d’air chaud et ainsi prendre de l’altitude. On les repère souvent grâce aux cumulus se formant à leur sommet.

Les ascendances dynamiques sont des zones d’air qui remontent à cause de la forme du relief géographique. Par exemple, un vent arrivant face à une montagne ou face à une falaise, va créer une zone d’air ascendant dans laquelle les planeurs peuvent voler en faisant des "8" : ils vont ainsi se hisser à des altitudes supérieures.
Éric Nessler devint le premier instructeur de vol à voile en France, dans les années 1930. Puis il forma, lui-même des instructeurs. L’un d'entre-eux fut René Hersen, célèbre "patron" du vol à voile à Avrillé, qui créa les « Huit jours d'Angers », puis la Coupe d’Europe, chaque année sur l'aérodrome angevin, des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970.

En 1932, Nessler devint chef-pilote du Bureau d’études AVIA, qui mis au point les premiers planeurs français performants. A l’époque, les Allemands avaient une longueur d’avance sur nous, dans le domaine du vol à voile.
En 1938, il devint le premier pilote français à faire un vol en planeur de plus de 5 heures, grâce à un gain d’altitude de plus de 3 000 mètres et sur une distance de plus de 300 kilomètres. C’était une performance exceptionnelle pour cette époque.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il put continuer son activité, en zone libre, où elle était encore tolérée par les Allemands. En 1942, Il se permit même de battre le record absolu de durée avec un vol de 38 heures. Même les vélivoles allemands n’avaient pas fait mieux, alors que les conséquences du traité de Versailles avaient fait de leur pays une nation de vol à voile.
Après la guerre, les compétitions de vol à voile reprirent doucement. C’est en 1947 que fut organisée la première grande confrontation internationale à Wichita Falls, aux Etats-Unis. Éric Nessler et la délégation française s'engagèrent avec des machines récentes comme le Nord 2000, adaptation hexagonale du planeur allemand Meise, mais aussi et surtout avec un tout nouveau planeur de leur conception : le bientôt fameux Arsenal AIR 100. Il s’imposa nettement face à la concurrence, en faisant le premier vol de plus de 500 kilomètres aux Etats-Unis.
C’est aussi en 1947 qu’Éric Nessler publia une "Histoire du Vol à Voile de 1506 à nos jours". Il y relate toutes les recherches techniques et tous les exploits réalisés depuis les premières conceptions du génial Léonard de Vinci jusqu’aux années 1940.

Il continua ainsi de voler dans les années 1950 et 60 et battit de nombreux records de durée et de distance parcourue.
Éric Nessler est décédé en 1976 à Malesherbes dans le Loiret.
Il fut le véritable précurseur du Vol à Voile en France, c’est pour cela qu’il restera une légende de l'aviation.
Dans cette vidéo, Pierre nous fait le récit du vol de 54 kms réalisé par Eric Nessler en 1934. Ce texte est tiré de l'ouvrage d'Olga et Charles Girod intitulé "Ce qu'il faut savoir pour devenir pilote de vol à voile". Lors de ce vol il a décollé de La Banne d'Ordanche et est descendu vent arrière dans la vallée de l'Allier après avoir traversé la chaine des Puys pour se poser dans un champ près de Maringues. Par ce vol, à la fin de la saison 1934, il a bouclé le premier certificat de performance D français. Cette vidéo est complétée d'images réunies par Alain Bouchardon dans une très complète évocation du centre de vol à voile de la Banne d'Ordanche, premier centre national français de vol à voile.
A propos de l'auteur :

Né à Avrillé en 1958, Michel Leclerc a usé ses fonds de culottes à l’aérodrome d’Angers, où il assiste aux Coupes d’Europe vélivoles, aux Rallyes des vins d’Anjou et aux premières Coupes d’Anjou de voltige aérienne. Formé au vol en planeur en 1976, ses études aux Arts & Métiers et le début de sa carrière professionnelle l’éloignent du pilotage. Il y revient une décennie plus tard, en passant sa licence de pilote privé à Lognes. Sa carrière dans l’exploitation pétrolière le mène à beaucoup voyager et voler, cette fois en tant que passager des gros porteurs et à bord des hélicoptères qui l’acheminent sur les plateformes offshore. Sa passion pour l’aviation et son histoire n’a pas faiblit avec les années et Michel écume toujours les meetings aériens, tout en volant à l’occasion sur avions légers.
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