"Destins exceptionnels" est une série d'articles dressant le portrait de figures de l'aviation ayant marqué la grande histoire de l'aviation.
Valérie André fut avant tout une femme médecin et chirurgienne. Mais elle fut aussi la première femme pilote d’hélicoptère en Europe, en 1950, avant d’être promue première femme Général de l’Armée de l’Air, en 1976. Son courage pour sauver des soldats, dans des conditions extrêmement périlleuses, a été admiré par tous. Très nombreux sont ceux qui lui doivent leur survie.
Elle est née en 1922, à Strasbourg et est toujours en vie en 2024, à l’âge de 102 ans. Passionnée par l’aviation, elle a du très tôt lutter pour pouvoir apprendre à piloter. En effet, au début de la Deuxième Guerre mondiale, seuls les hommes étaient formés au pilotage. On pensait que les femmes étaient inaptes au combat.
Elle apprit tout de même à piloter sur avion Potez. Mais son père la stoppa juste avant son brevet. Pour lui, ce n’était pas le moment de piloter, pour une femme, alors que la guerre était déclarée. Ses origines strasbourgeoises lui posèrent beaucoup de problèmes, car les Allemands envoyaient de force vers le Reich les étudiants alsaciens. Elle dut se cacher pour finir ses études de médecine à Paris.
Elle pratiqua finalement le pilotage pendant la guerre, en région parisienne, grâce au vol à voile. Il faut savoir qu’elle pratiquait également le parachutisme, à propos duquel elle avait écrit sa thèse. Une fois son diplôme de docteur en médecine obtenu à la fin de la guerre, on lui proposa de rentrer dans l’armée et de partir en Indochine, où l'on avait besoin de personnel.
Elle fit sur place une formation de chirurgien de guerre, même si la situation n’était pas encore vraiment conflictuelle. Cela lui plut et elle se montra très volontaire pour partir en mission.
Un jour, il fallut sauver un soldat gravement malade au nord du Laos. Aucun moyen aérien ne pouvait accéder sur place, on lui demanda alors de sauter en parachute pour le sauver ; ce qu’elle fît. Les soldats sur place furent très surpris de voir que c’était une femme qui venait en parachute, secourir leur frère d'armes.
Elle était toujours volontaire pour les missions qu’on lui demandait et resta plusieurs années à Saïgon, puis à Hanoï. La guerre d’Indochine ayant éclaté, ses missions devinrent de plus en plus périlleuses.
C’est alors qu’arrivèrent de nouvelles machines : les hélicoptères. S’extasiant face aux possibilités que permettaient ces appareils pour rapatrier les soldats, Valérie André voulut à tout prix apprendre à les piloter, revenant en France spécialement pour cela.
De retour au Tonkin, elle était la seule personne, à la fois médecin et pilote d’hélicoptère. C’est ainsi qu’elle fut envoyée à de nombreuses reprises en opérations, pour sauver des soldats gravement blessés. Cela se faisait souvent dans des zones hostiles, sous les tirs ennemis. C’était surtout pendant les manœuvres d’approches qu’elle était très vulnérable.
De retour de ses missions, le travail n’était pas terminé pour elle, car elle devait continuer en opérant à l’hôpital, pour les interventions chirurgicales. Son courage a été admiré par tous, durant cette période.
Même si elle a rencontré son futur époux à cette époque, elle n’a jamais voulu se marier sur place. A cette époque, dans les années 1950, on acceptait encore très mal que des femmes mariées puissent aller au devant du risque. Elles devaient rester au foyer.
Après cinq ans en Indochine, Valérie André est revenue en France. Elle travailla au Centre d’Essais en Vol de Brétigny, mais comme simple pilote d’avion. Elle devint amie avec Jacqueline Auriol, célèbre pilote d’essais. Elle a écrit, en 1954, un livre : "Ici, Ventilateur" tiré de sa vie en Indochine.
Lorsque la Guerre d’Algérie fut déclarée, elle ressentit le besoin pressant d’agir auprès des militaires et demanda à être renvoyée en mission : on lui réserva un poste à responsabilités en la nommant Médecin-Chef d’une escadre. Elle partait en mission sur différents types d’hélicoptères, pour pratiquer la médecine sur place, pilotant des hélicoptères Sikorski H-34 et sur "Alouette II".
Son courage pour sauver des soldats dans des régions très hostiles et même parfois, au milieu des combats, fit l’admiration de tous. Beaucoup d’appelés du contingent lui doivent aujourd’hui la vie. Ella resta également cinq ans en Algérie.
Les défaites de la France dans ces deux conflits coloniaux l’ont profondément affectée. Elle ne pensait pas que l’on serait ainsi humiliés, mais c’était le sens de l’Histoire. Elle a surtout très mal vécu le fait d’abandonner certaines populations locales qui étaient favorables aux français. Ce furent d’effroyables déchirements.
Après la Guerre d’Algérie, Valérie André a été nommée Médecin-Chef à la Base Aérienne 107 de Villacoublay, dans la région parisienne. Elle y est restée huit ans, en étant successivement directrice de différentes régions aériennes de santé.
Par la suite, elle fut chargée de missions et voyagea beaucoup dans le monde, pour contrôler des unités isolées. Elle partit par exemple au Tchad, en Polynésie française et même en Chine à l’époque de Mao.
C'est alors qu’elle atteint le sommet de sa carrière : elle fut nommée en 1976 Médecin-Général de l'armée de l'Air (avec prérogatives de Général de Brigade). Elle fut la première femme à recevoir cette distinction en France.
Interviewée par le journaliste Yves Mourousi sur le plateau de "TF1 Actualités", celui-ci lui demanda si elle n’avait pas eu de mal avec tous ces machistes dans l’armée. Elle répondit qu’il n’y avait pas plus de machistes là, que dans les autres milieux professionnels. Il fallut attendre huit ans, avant qu’une autre femme soit nommée général.
Plus tard, Charles Hernu, ministre des Armées dans les années 1980, lui confia une Commission d’Etudes prospectives, sur les Femmes militaires. Elle joua donc un grand rôle dans la transformation de l’armée, aujourd’hui beaucoup plus féminisée.
Pour Valérie André, il n’y a que la compétence qui compte, que l’on soit un homme ou une femme. Elle a écrit un livre en 1988 : "Madame le Général". Un jour, il y aura une femme Cheffe d’Etat-Major, y déclare-t-elle.
Valérie André a été une pionnière en tant que femme dans l’armée. Elle demeurera pour toujours la première à être nommée général. C’est en cela qu’elle restera une légende l'aviation française.
Bibliographie :
Ventilateur !, c’est en Indochine l’indicatif des hélicoptères dans la bataille aérienne. Dans : "Ici, Ventilateur !", Valérie André, femme Capitaine-Médecin parachutiste, pilote d’avion et d’hélicoptère raconte sa vie durant son second séjour. "Ici, Ventilateur !" nous offre une matière grandement exaltante et roborative, dans une admiration sans réserve pour son auteur et un solide réconfort devant tant de qualités exceptionnelles rassemblées en une seule personne.
Éditions Calmann Lévy, 1954 ; 225 pages
Ce sont les souvenirs d'une véritable femme de guerre, qui est entrée dans notre Histoire comme première général française.
En lisant son autobiographie, on mesure la volonté et les preuves qu'elle a dû apporter, à chaque étape de son parcours, de l'adolescence aux feuilles de chêne, pour vaincre les réticences d'un milieu strictement masculin.
Éditions Perrin, 1988 ; 248 pages
A propos de l'auteur :
Né à Avrillé en 1958, Michel Leclerc a usé ses fonds de culottes à l’aérodrome d’Angers, où il assiste aux Coupes d’Europe vélivoles, aux Rallyes des vins d’Anjou et aux premières Coupes d’Anjou de voltige aérienne. Formé au vol en planeur en 1976, ses études aux Arts & Métiers et le début de sa carrière professionnelle l’éloignent du pilotage. Il y revient une décennie plus tard, en passant sa licence de pilote privé à Lognes. Sa carrière dans l’exploitation pétrolière le mène à beaucoup voyager et voler, cette fois en tant que passager des gros porteurs et à bord des hélicoptères qui l’acheminent sur les plateformes offshore. Sa passion pour l’aviation et son histoire n’a pas faiblit avec les années et Michel écume toujours les meetings aériens, tout en volant à l’occasion sur avions légers.
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